La discipline à La Malgrange de 1914 à 1947.

« Les archives de La Malgrange contiennent quelques registres sur lesquels sont notés les comptes-rendus des conseils des professeurs. Deux d’entre eux couvrent la période qui va de 1914 à 1947, pendant laquelle quatre directeurs se sont succédés : le Père Charles PERTUSOT (jusqu’en 1929), le Père Jean-Baptiste MOLLY (de 1929 à 1935), le Père Edmond RENARD (de 1935 à 1944) et le Père Henri WEBER (à partir de 1944).
Grâce à ces témoignages, on peut s’apercevoir que les choses ont bien changé, mais peut-être pas toutes…

Lors de la séance du 18 mai 1914, il est rappelé que les élèves ne doivent pas parler dans les rangs et avoir une bonne tenue au retour de la promenade. Aux professeurs, il est demandé de bien fermer la porte de la salle de lecture et de ne pas être vus des élèves quand ils fument… Il leur est également demandé de donner du travail aux élèves qu’ils mettent en retenue.

Après quatre années d’interruption pour cause de guerre, on trouve une nouvelle consigne pour les enseignants le 12 janvier 1920 : faire sortir les élèves de classe à l’heure. Elle est complétée le 9 février par la demande d’arriver à l’heure dans les salles de classe et de ne pas dépasser 5 minutes pour les récréations. Peut-être l’origine de l’intercours actuel…

Le 14 mars 1921, il est précisé que chaque professeur a un exemple à donner aux élèves par la messe, la tenue, le langage, les manières. Deux mois plus tard, on leur demande de signaler un méfait dès qu’ils en ont eu connaissance et de respecter les horaires de l’interclasse. Le professeur doit être un homme de foi… rappelle-t-on le 7 novembre suivant.

À partir du 6 novembre 1922, le sous-directeur contrôle les cadeaux faits aux professeurs par les élèves. En ce qui concerne la lecture des élèves, c’est le confesseur (chaque élève en a un, attitré) qui leur prête des livres (5 mars 1923).

Il est demandé aux professeurs de ne pas parler aux élèves dans les rangs ! (3 décembre 1923) et davantage d’exactitude aux repas (7 mars 1927). Les élèves, quant à eux, ont l’obligation de quitter la Malgrange en uniforme au moment des vacances et d’y revenir avec la même tenue. On évoque des sanctions contres des élèves de première qui fument (7 mai 1928) et on préconise le silence dans les études (7 octobre 1929). On insiste sur la politesse des élèves et on exige également qu’ils préviennent ou rendent compte de toute absence (13 janvier 1930).

La ponctualité des cours est de nouveau à l’ordre du jour le 7 octobre 1930 : Au signal de la fin des classes, sortie au plus tôt. Ne pas prolonger les récréations de mi-temps au-delà de 5 minutes. Ce sera rappelé un mois plus tard : Sortie des classes : la plus grande exactitude est recommandée.

Le 10 octobre 1931, la discipline est de nouveau à l’ordre du jour : Une surveillance étroite doit être exercée pour ce qui concerne les allées et venues des élèves dans la maison. En conséquence, et pour prévenir le mal :
1) MM. les professeurs voudront bien ne faire venir les élèves chez eux que par le moyen d’un billet signé.
2) Le chef de salle d’étude seul portera les copies des différentes classes chez les professeurs respectifs.

Un an plus tard, le ton monte :
– Des refus formels d’obéissance se sont produits chez certains anciens. C’est un point important sur lequel on ne peut transiger et qui doit être sanctionné sévèrement s’il le faut.
– Veiller à ne pas prolonger les interclasses et ne les faire que quelques minutes.
– Veiller aussi à mettre le moins possible les élèves à la porte des études ou des classes, car certains d’entre eux profitent de cette sanction, qu’ils provoquent parfois à dessein, pour se retrouver à plusieurs. Les envoyer chez Monsieur le Directeur ou Monsieur le Sous-directeur et exiger un billet à leur retour.

En 1935, le Père Edmond RENARD prend les commandes du navire malgrangien et constate la bonne, excellente, très ferme discipline ainsi que la très bonne tenue. Il exprime également sa satisfaction à propos de la tenue des élèves en la chapelle.

Cependant, il rappelle quelques principes :
– ne pas tolérer la moindre impertinence
– une obéissance de la part des élèves : prompte, généreuse et joyeuse
– ne pas fumer ni en cour, ni en promenade, ni au théâtre
– pour les promenades, une tenue impeccable, la casquette obligatoire, un passage rapide en revue avant toute sortie, pas de tenue débraillée.

Le 7 janvier 1937, le directeur précise les différentes sanctions :
Sont interdites :
– Les corrections physiques
– La mise à la porte du dortoir
– Les lignes à copier
– Les confiscations de sorties

Sont permises, mais rarement :
– Les mises à la porte d’une classe, surtout s’il y a eu chahut notoire ou impertinence grave

Sont admises :
– Le piquet
– La mise à genoux ou debout
– Le tour de cour au pas gymnastique (un certain nombre de fois)
– Les notes (en particulier 10 – 8 – 5)

Sont réservées au Directeur :
– Le pain sec
– La grande table de pénitence
– L’Avertissement
– La privation de jours de vacances

Le 11 février 1937, il se préoccupe du langage des élèves :
Il est demandé à tous de veiller à l’assainissement du langage des élèves. Des termes d’un ton trop grossier ou d’un langage peu soigné ne conviennent pas à leur condition sociale et chrétienne.

Le 2 décembre 1938, le Père RENARD rappelle à ses professeurs l’esprit Malgrangien : Nous formons une famille. Donc [nous devons] :
– Nous soutenir. Faire valoir simplement nos remarques et ne pas critiquer.
Nous aimer. Se supporter en prêtres
– Nous défendre.  Avoir cet esprit de corps que nous recommandons à nos garçons

Il revient sur les sanctions le 3 février 1939 :
Rappels
– Évitons l’injustice
– La punition générale doit être « rare »
– Les punitions corporelles sont défendues
– Les lignes à copier sont proscrites
– La mise à la porte est l’ultima ratio

Sont permis
– La mise à genoux
– Le piquet
– Les tours de cour
– Les devoirs supplémentaires
– Les leçons à copier

Un point pratique : La retenue
La retenue peut être donnée sans note et les rachats de ces retenues se font par les soins de l’administration.
Elle comporte une séquestration et un travail forcé donné par le maître qui a mis la retenue.
Une liste paraissant le mercredi soir annoncera le nom des élèves qui n’ont pas racheté leur retenue.

Et encore le 5 décembre 1941 :
– Punitions.
Elles sont nécessaires. Il faut exclure les punitions corporelles.
S’il s’agit d’une punition écrite : en user avec discrétion. Il faut en tout cas qu’elle soit éducative et ne dépasse pas ¼ d’heure / 20 minutes. Faire copier non des lignes, mais des leçons ou faire exécuter un devoir, un résumé. La mise à la porte n’est admissible qu’en cas d’insolence grave ou de chahut caractérisé. MM. Les Professeurs sont également invités à ne pas laisser sortir les élèves pendant les classes.

Le 1er mai 1942, il est signalé que le journal disparaît parfois de la salle de réunion…

Le 2 octobre 1942, on insiste sur le rôle essentiel d’éducateur des professeurs
1 – Redresser les torts des enfants avec fermeté, sans indignation, avec bonté, en usant sagement de la punition qui ne sera jamais corporelle, le moins souvent écrite (surtout en cette période de crise), toujours profitable.
2 – À encourager.
3 – À exploiter surtout dans les relations personnelles.
4 – À faire régner une discipline totale.

Ce rôle sera d’autant mieux compris si règne entre nous l’union, si notre vie de communauté est vraiment fraternelle, si cette unité se réalise dans une affectueuse collaboration avec le chef, en entrant dans ses vues, en évitant la critique dans le dos et en lui donnant raison dans toutes ses décisions.

Le 6 février 1943, le directeur souligne la nécessité plus pressante que jamais, dans les temps exceptionnels que nous vivons, de nous grouper autour de lui, le chef, qui ne cherche que le bien de tous, bien spirituel et matériel.

Le 4 mai 1945, l’Abbé Henri WEBER préside son premier conseil en tant que Directeur, après le décès du Père RENARD. Il n’évoquera les questions de discipline qu’à la rentrée suivante, le 5 octobre 1945 : interdiction de fumer, privilèges, éducation, allées et venues pendant les études. Puis on n’en parlera plus dans le registre jusqu’en 1947. »

Paul-Henri CLAUDEL, Professeur d’éducation musicale à La Malgrange